“Chez moi, j’ai un morceau du cercueil de Napoléon”

France Dimanche
“Chez moi, j’ai un morceau du cercueil de Napoléon”

Pierre-Jean, Paris

L’Empereur n’a pas de secrets pour ce collectionneur qui s’enorgueillit de posséder une multitude de petits objets de sa vie quotidienne. Une passion dévorante qui dure depuis trente ans pour ce fan qui ne vit, mange, dort et voyage qu’avec l’Empereur en tête...

« Je suis intarissable sur l’Empereur. Je peux en parler pendant des heures. En plus, je mange comme Napoléon (du poulet, il en raffolait !) avec des couverts d’époque et dans des assiettes en porcelaine de style Empire. Je voyage là où il a vécu : je connais tous les recoins du château de Malmaison (à Rueil-Malmaison) depuis que je suis petit. Je suis aussi allé trois fois à Sainte-Hélène, où il a fini sa vie, et au printemps je me rendrai pour la première fois sur l’île d’Elbe, où il a passé dix mois après sa première abdication, le 4 avril 1814... Bref, je suis un vrai toqué de Napoléon !

Trésor

C’est une passion dévorante, qui engloutit mes économies. Il y a des jours où j’aimerais ne pas être si accro. C’est stressant d’avoir une telle collection. Ça vous donne des cheveux blancs ! À 43 ans, je suis encore célibataire parce que je ne sais pas bien qui va vouloir partager ma vie.

À 8 ans, mon père m’a offert une BD intitulée Napoléon. L’homme m’a tout de suite fasciné. Comme on habitait alors à Saint-Germain-en-Laye, il m’a emmené visiter Malmaison – à 5 km de chez nous – puis les Invalides, à Paris, pour admirer le tombeau de l’Empereur. À 13 ans, j’ai rêvé d’acheter une lettre signée de sa main : 5 000 francs, trop cher ! J’ai revendu le scooter donné par mon père pour me l’offrir. C’était l’annonce de la victoire d’Iéna, en 1806. Une lettre écrite au prince Eugène de Beauharnais... Un trésor que j’ai soigneusement conservé dans une armoire.

Adolescent, dès que j’avais un peu d’argent de poche, je m’achetais des livres ou des objets ayant appartenu à l’Empereur. Je revendais même mes vêtements pour acquérir des lettres signées de sa main ou de l’un de ses maréchaux. Au début, cela m’amusait. Puis, cela m’a démangé. À 20 ans, à New York, j’ai rencontré un passionné dans une boutique nommée justement Malmaison. Il y vendait des bustes, du mobilier Empire. J’y travaillais bénévolement. On s’entendait bien. Là-bas, j’ai rencontré de nombreuses stars (Gianni Versace, Harry Belafonte, Patrick Duffy et même Catherine Deneuve !) qui voulaient acheter des meubles de cette époque si prestigieuse.

Il s'endette pour acquérir des objets lui ayant appartenu dont sa cantine personnelle lors de la bataille d'Austerlitz

De retour en France, j’ai continué ma collection en trouvant des mouchoirs brodés à son chiffre, un caleçon, une mèche de cheveux, en partie grâce à un prêt contracté pour poursuivre mes études dans une école de marketing... Vous savez, quand on aime – même si on est fauché –, on achète pour assouvir sa passion. D’ailleurs, Napoléon lui-même disait : “Impossible n’est pas français !" Il avait raison.

Je m’endette aujourd’hui encore pour dénicher l’objet, l’habit, la pièce qui fera mon bonheur. Mon rêve actuel serait d’avoir la redingote de l’Empereur, mais il n’en existe plus chez les propriétaires privés. Peut-être encore dans des musées, mais aucun ne voudra s’en séparer. Dommage ! Car quel vêtement mythique, tout de même ! En fermant les yeux, on imagine toujours Napoléon vêtu de sa redingote, non ?

Magique

Chez moi, comme le dit une amie, c’est le mausolée à la gloire de l’Empereur. Sans le cadavre ni le cercueil, bien sûr, même si j’en possède un des plus gros morceaux en bois (de 35 cm de long). Les objets accumulés au fil des ans ont une grande valeur sentimentale : j’ai un flacon rempli de son eau de Cologne, une chemise tachée de son sang, une cravate, des bas en soie – que je n’expose pas car ils sont fragiles –, du dentifrice, du savon, des petites épingles, du thé et cinq cure-dents en buis. Toutes ces pièces viennent de son nécessaire de toilette, alors que le coffret (en or et en vermeil) qui contenait ces merveilles trône au musée Carnavalet, à Paris !

Je suis aussi très ami avec les descendants de l’Empereur. On part en vacances ensemble. Et dès que j’ai un moment de libre, je passe quelques heures à Malmaison. Quel endroit magique ! C’est un peu “ma" maison de campagne. Quand j’étais petit, je connaissais bien le conservateur du musée qui me refilait en douce les clés des vitrines... »

Alicia Comet

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