François Proix : “Pilote d’ULM, je vole avec mes oies”

France Dimanche
François Proix : “Pilote d’ULM, je vole avec mes oies”

Cet ancien agriculteur a fait de sa passion 
pour ces petits planeurs motorisés sa profession. Devenu instructeur, François Proix propose à ses clients d’évoluer en formation avec ses oiseaux apprivoisés. Une activité insolite qui plaît autant aux volatiles qu’aux humains.

« Fils et petit-fils d’agriculteurs maraîchers de Gonesse (Val-d’Oise), c’est tout naturellement que je suis devenu cultivateur. J’ai donc grandi à proximité de l’aéroport Roissy-Charles-de-Gaulle. Et quand les planeurs ultralégers motorisés (ULM) sont apparus, en 1978, je m’y suis mis. C’était l’avion des ouvriers, qui permettait à tous de voler. J’ai passé mon brevet dès que j’ai pu, en 1983, à 24 ans.

Après une dizaine d’années dans l’agriculture, j’ai été contraint de cesser mon activité, qui n’était plus rentable. Avec ma famille, nous avons alors décidé de partir en Alsace, d’où mon épouse de l’époque était originaire. Là, j’ai exercé différentes professions pendant plus de vingt ans. Puis, à la cinquantaine, j’ai finalement passé le diplôme de pilote instructeur d’ULM et me suis lancé à mon propre compte. Depuis, j’encadre des baptêmes de l’air et forme cinq ou six pilotes par an.

C'est toute l'escadrille qui suit François

Aventure

Comme de nombreux Français, j’avais vu le film Le peuple migrateur, sorti en 2001. Le réalisateur, Jacques Perrin, avait parcouru la planète dans le sillage d’une trentaine d’espèces d’oiseaux : grues, oies, cygnes, cigognes, canards... Ces images m’ont fait rêver ! Alors, quand, en 2013, on m’a proposé de participer à la réalisation du documentaire Le plus beau pays du monde, dont une partie devait être filmée en Alsace, je n’ai pas hésité : pendant trois jours j’ai volé avec des oies, c’était formidable.

Sur les conseils de Philippe Boussaud, un agriculteur de Campbon (Loire-Atlantique) qui pratique le vol avec ces volatiles, ma nouvelle compagne et moi avons décidé de nous lancer dans l’aventure. Nous avons opté pour des oies rieuses, qui sont les plus fidèles. Nous avons installé leur couveuse dans notre véranda. Dès l’éclosion, les oisons s’attachent aux personnes qu’elles voient en premier, les considèrent comme leurs parents et les suivent partout !

Ils avaient à peine deux jours quand nous les avons emmenés près de l’ULM pour les familiariser avec les ailes de l’engin et le bruit du moteur. Ensuite, quand leur plumage l’a permis, vers le quarantième jour, nous avons commencé à voler en faisant des sauts de puce en ULM. Pendant plusieurs semaines, j’ai entraîné quotidiennement nos six oies pour qu’elles me suivent, sur des distances de plus en plus longues.

Nous partons quand les conditions sont calmes, durant leurs créneaux de vol préférés : entre le lever du jour et 10 h du matin ou le soir avant le coucher du soleil. Elles sont capables de voler une vingtaine de minutes à 300 m d’altitude. Mon ULM biplace survole le Ried, la plaine qui borde le Rhin, flanqué de cette escadrille qui ne s’éloigne pas à plus de 15 m de l’engin.

Durant le trajet, nous échangeons des regards et je leur parle. Si elles commencent à cacarder, c’est qu’elles sont fatiguées, il faut rentrer. Aussitôt au sol, nous leur donnons à boire et à manger car c’est éprouvant pour elles. Les oies adorent voler – elles sont capables de parcourir 5.000 km lors de leurs migrations –, mais quand elles en ont décidé autrement, il est inutile d’insister !

Maison de retraite

Les sorties sont actuellement interdites à cause de la grippe aviaire. Quand elles m’entendent approcher, elles piaffent d’impatience et semblent vouloir me dire : “Papa, emmène-nous avec toi, on veut sortir !" J’espère que la situation va s’améliorer. En tout cas, l’expérience plaît. Mes clients, issus de tous les milieux, sont ravis. J’ai même eu un jour une dame qui a pleuré de joie !

Devenues adultes, vers 2-3 ans, les oies prennent leur indépendance. Qu’en faire ? Les manger ? Pas question ! Les donner à des gens qui pourraient les passer à la casserole ? Non plus ! Je pense que nous allons leur construire une maison de retraite. Quant à moi, je rêve de faire un jour un tour du monde en ULM. Mais cette fois, ce sera sans mes oies. »

Pour en savoir plus :
Tél. : 06 13 56 97 17.
Site : www.ulm-centre-alsace.fr
Compter 250 € pour un vol de 20 minutes.

Florence Heimburger

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