"J'achète des caravanes pour les mal-logés"

France Dimanche
"J'achète des caravanes pour les mal-logés"

« Moi qui ai été placé à l'orphelinat car ma mère ne pouvait subvenir aux besoins de la famille, j'ai toujours été passionné par les gens sans avenir. C'est pourquoi, après avoir été ordonné prêtre en avril 1968, j'ai voulu partir en Amérique latine, dans les bidonvilles (favelas), chercher les traces de Dieu dans l'infiniment petit. Ça n'a pas pu se faire et, en 1981, je me suis retrouvé aumônier à la prison de la Santé, pour trois ans. J'ai ensuite servi dans le monde de la prostitution des jeunes, ce qu'on appelle “a marge“. Mais, comme à la Santé, je gênais car j'étais devenu l'empêcheur de tourner en rond.

Je suis alors devenu aumônier des bateliers à Conflans-Sainte-Honorine (Yvelines). Malgré l'éloignement, beaucoup d'anciens me retrouvaient et me sollicitaient pour accueillir des sans-papiers dans mon bateau. C'est là que j'ai écrit mon livre “la Péniche du Bon Dieu“ (Presses de la Renaissance). De l'aube jusqu'au soir tard après la messe, j'ouvrais les portes de l'église aux chômeurs, anciens prostitués, SDF, sans-papiers, femmes battues : ces gens qui avaient leur détresse pour seul bagage...

Et puis, fin 2009, j'ai été envoyé à Lille, où j'ai prêché à l'église Saint-Benoît-Labre qui, drôle de coïncidence, était un saint clochard ! C'est dans le quartier populaire de Wazemmes que j'ai découvert l'insupportable misère des roms. Leur vie dans des caravanes, de véritables taudis pas chauffés, m'a scandalisé. Je me devais d'agir sans attendre, dans l'urgence, épaulé par des personnes disponibles venant de tous horizons : anciens prisonniers, étudiants, personnes âgées... Nous distribuons de la nourriture, apportons des vêtements, etc., à 600 personnes qui ont à peine le minimum pour vivre. J'ai aussi loué des WC publics, tellement leurs conditions de vie étaient épouvantables. Je refuse d'attendre que les dossiers soient examinés. Je veux agir tout de suite, car voir ces enfants en mauvaise santé au XXIe siècle m'est insupportable.

Au jour le jour, j'agis avec les moyens du bord, et toutes les bonnes volontés sont les bienvenues : cet hiver, nous avons accueilli 14 familles dans une aumônerie. Je rachète des caravanes, faute de moyens suffisants pour acheter du “dur“, et, désormais, mon but est de faire scolariser ces enfants. Je pare au plus pressé car il y a de vraies urgences. Je les aide de tout mon cœur et de toute mon énergie. Je veux montrer que la solidarité n'est pas un vain mot et je ne veux pas mourir sans avoir été au bout de mes engagements.

Après “la Péniche du Bon Dieu“, je m'attelle à l'ouvrage “la Caravane du Bon Dieu“, car ce sont ceux qui vivent dans des caravanes qui ont désormais besoin de mon aide. Je veux allumer un feu dans le cœur de ces gens et permettre à ces enfants de jouer, grandir comme tous ceux de leur âge. Je n'ai pas le droit de baisser les bras et de leur refuser d'espérer et de vivre. »

Père Arthur, 109 rue de La Bassée, 59000 Lille. Mail : arthur_hervet@yahoo.fr

Propos recueilli par Marie Godfrain

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