"J'ai épousé un pervers"

France Dimanche
"J'ai épousé un pervers"

Amoureuse, elle lui a tout donné. En retour, elle n'a reçu qu'insultes et crises de jalousie. Un enfer qui a duré 27 ans.

« Tout a commencé par un coup de foudre. Nous étions jeunes et nous passions l'été à travailler dans un centre de vacances. Jean était tout mon contraire : j'aimais être entourée, lui, préférait la solitude, j'avais grandi au sein d'une famille bourgeoise catholique, lui avait grandi dans une famille défavorisée, où l'amour n'avait que peu de place. Inconsciemment, j'ai eu envie de l'aider, de lui montrer qu'on pouvait réussir ensemble. En réalité, j'étais atteinte du syndrome du sauveur et je n'ai fait que  traîner un boulet pendant 27 ans !

Pendant des années, j'ai suivi  des études de médecine en travaillant tous les week-ends pour pouvoir préserver notre liberté. Puis, une fois que j'ai été diplômée, Jean a cessé sa formation dans l'hôtellerie et n'a plus jamais travaillé. Pourtant, tout au long de notre vie commune, je me suis épuisée à faire jouer mes relations pour lui trouver un poste qu'il abandonnait au moindre caprice, je lui ai payé toutes les formations dont il rêvait pensant qu'il finirait par trouver sa voie, que ce soit dans les arts martiaux ou dans la vente de produits naturels...

Emprise

Il ne faisait rien et pourtant, c'est moi qui  m'occupait des enfants ! Jamais il ne rangeait non plus la maison. À ses yeux, j'étais une moins que rien, il me rabaissait constamment, me traitait de sorcière, de mauvaise mère, d'hystérique... Lors d'accès de colère, il n'hésitait pas à m'attraper à la gorge pour me faire peur. Il piquait aussi  des crises de jalousie sans raison, une fois, il s'en est pris à moi au restaurant pensant que je draguais mon voisin de table sous ses yeux, alors que je n'avais même pas remarqué cet homme ! Tous les instants de bonheur que nous aurions pu vivre ensemble viraient au cauchemar même en vacances. Puis, après chaque crise, il redevenait un homme charmant et enjoué.

À tort, je prenais ses crises de jalousie pour des démonstrations d'amour, il avait pris l'ascendant sur moi et réussi à me manipuler afin que je pense que j'étais la cause du problème. En réalité, je sentais bien qu'il y avait un malaise dans notre couple, mais je ne  voulais, ou ne pouvais pas le voir. Je me contentais de vivre au jour le jour, je lui trouvais toujours des excuses et je pensais que la situation était normale.

J'ai commencé à prendre conscience de mon mal-être, il y a six ans. Alors que je préparai tranquillement Noël avec mon fils et des amis, il est parti pour ne réapparaître que cinq jours plus tard. J'ai passé ma soirée du jour de l'an à pleurer.  Mes proches m'ont aidé à réaliser que ce n'était plus possible de vivre ainsi.  Le lendemain, je demandais le divorce, sans comprendre vraiment pourquoi. Par la suite, j'ai fait des recherches sur Internet, lu des livres, rencontré des thérapeutes, compris que j'avais été victime d'un pervers narcissique et que je souffrais de harcèlement moral. Pour moi qui suis médecin et rationnelle, il me semblait impossible que je ne m'en sois pas rendu compte avant.

C'est dire l'emprise que mon mari avait sur moi !

Calcul

Puis, un jour, dans la cave, j'ai découvert son journal et le fond de sa pensée : “Tant que je suis avec ma femme, je n'irai pas travailler“, “Je n'ai que des avantages dans ma situation : lit, repas...“. Calculateur, il avait donc tout prémédité ! Malgré ces preuves, il essaie toujours de faire croire qu'il était un père au foyer exemplaire. Il réclame même une prestation compensatoire de plus de 200 000 € !

Grâce à un groupe de parole, j'ai rencontré deux autres victimes qui ont accepté d'écrire leur parcours dans un livre*. Nous y avons travaillé pendant trois ans, un moyen de comprendre que je peux aider ces femmes qui vivent une situation similaire à la mienne. Aujourd'hui je vais mieux, je prends plaisir à bien m'habiller, à me maquiller, à vivre dans une maison rangée et cosy. Grâce au soutien d'amis fidèles, ma vie a changé et je peux enfin la mener comme je l'entends. »

* "J'ai aimé un pervers" de Mathilde Cartel, Carole Richard, Amélie Rousser, éditions Eyrolles.

Propos recueilli par Julie Boucher

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