« J'ai été licenciée parce que ma fille a dénoncé des cas de maltraitance »

France Dimanche
« J'ai été licenciée parce que ma fille a dénoncé des cas de maltraitance »

« En 2000, j'ai été embauchée comme agent de nuit dans un centre de réadaptation pour les enfants épileptiques. Dès le départ, j'ai ressenti une ambiance tendue, des problèmes de personnel, des démissions... Jusqu'au jour où la maman d'un des pensionnaires a appelé un infirmier pour lui signaler que son fils s'était plaint d'attouchements. Ce problème a été signalé à la personne mise en cause. L'affaire est allée devant la justice et cette personne a été blanchie. Cependant, le doute a subsisté, d'autant que c'était quelqu'un de très dur avec les enfants. Il a néanmoins conservé son poste...

D'autres parents se sont plaints de l'établissement, mais vu que ce type de lieu d'accueil est plutôt rare, la plupart du temps, les familles n'osent pas parler. La DDASS a fermé les yeux sur les autres problèmes du centre, des questions d'hygiène et de sécurité notamment. Et pour couronner le tout, les employés qui se plaignaient de ces conditions de travail étaient immédiatement licenciés.

En 2004, encore sous le choc après toutes ces histoires, je me suis épanchée auprès d'une amie. J'avais vraiment besoin de vider mon sac... Or ma fille, adolescente à l'époque, a entendu à mon insu toute la conversation. Elle a pris l'initiative d'appeler une association d'enfants maltraités en dévoilant ce que je venais de raconter à mon amie.

Quelque temps plus tard, à ma grande surprise, j'ai été convoquée à la gendarmerie. C'est là qu'on m'a expliqué que le centre où je travaillais avait porté plainte pour dénonciation calomnieuse après le coup de fil passé à l'association de lutte contre la maltraitance ! Je suis tombée des nues... J'ai évidemment nié avoir passé cet appel mais ils avaient la preuve que la communication avait bien été émise depuis mon numéro de téléphone.

En rentrant chez moi, ma fille m'a alors avoué que c'était elle qui avait contacté l'association. J'ai été scandalisée car je pensais que ces appels restaient anonymes.

Pour moi, la sanction est rapidement tombée : j'ai été licenciée pour faute grave, moi qui n'avais jamais reçu le moindre blâme ! J'ai alors sombré dans la dépression, les banques m'ont harcelée car j'étais devenue insolvable et j'ai même fait une tentative de suicide. Aujourd'hui, je ne peux toujours pas pardonner et j'ai donc porté plainte contre l'établissement. Au-delà de mon histoire, ce que je trouve très grave, c'est que ce centre continue à accueillir des enfants. Je me demande pourquoi la justice ne met pas son nez là-dedans. C'est lamentable que les juges restent silencieux sur ce sujet très grave qui touche à ce que nous avons de plus cher. »

*Le prénom a été modifié.

Propos recueilli par Marie Godfrain

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