Je voudrais que mon fils ne soit pas mort pour rien dans le Rio-Paris

France Dimanche
Je voudrais que  mon fils ne soit pas mort pour rien dans le Rio-Paris

Danièle Lamy, Paris

Le 1er juin 2009, le vol Rio-Paris s’abîmait en mer avec 228 passagers à bord. Parmi eux, Éric, le fils de Danièle, qui se bat aujourd’hui au sein de l’association AF447 entraide et solidarité. Elle soutient les familles des victimes du crash de la Malaysia Airlines, survenu en mars dernier.

« Toutes les familles des victimes du vol Rio-Paris [qui s’est écrasé en juin 2009, ndlr] se sentent concernées par la disparition de l’avion de la Malaysia Airlines [le 8 mars dernier, ndlr]. Ce drame nous rappelle le nôtre. C’est terrible pour tous ces gens de ne pas savoir où leurs proches se trouvent ni ce qui s’est réellement passé.

D’autant qu’il y a eu des informations contradictoires qui leur ont redonné de l’espoir. On leur a d’abord dit qu’il n’y avait pas de survivants. Puis, une semaine plus tard, qu’on n’en était plus très sûr et que des personnes pourraient avoir survécu. C’est très traumatisant à vivre. Tant que l’on n’a pas vu les débris, les restes de l’avion, on garde espoir. Il est très difficile dans ces conditions de faire son deuil.

Attente

Moi, je me disais régulièrement qu’Éric, mon fils, pouvait avoir survécu, lui qui était la joie de vivre incarnée. Comme il était bon nageur, je réussissais à me persuader qu’il avait pu regagner une île, une côte... Je vivais avec cette espérance, l’imaginais attendant de l’aide. En même temps, j’étais désemparée, ne sachant que faire.

C’est une vraie torture. Beaucoup de gens ont vécu des situations semblables, balancés entre espoir et désespoir. C’est ce que vivent aujourd’hui ces familles. L’attente est un enfer, mais attendre sans comprendre ce qui s’est passé, c’est encore pire.

Malheureusement, notre drame n’a pas servi de leçon. Après le crash du vol Rio-Paris, le Bureau d’enquêtes et d’analyses (BEA) pour la sécurité de l’aviation civile a formulé plusieurs recommandations, comme la mise en place de boîtes noires pouvant émettre 90 jours au lieu de 30. Si Air France a adopté cette mesure, la plupart des compagnies, comme la Malaysia Airlines, n’en ont pas tenu compte.

Le BEA conseillait aussi que ces balises nouvelle génération soient visibles dans l’eau. Si tout cela avait été obligatoire, on aurait certainement déjà retrouvé cet avion. Et, qui sait, il y aurait peut-être des survivants. Vivre avec cette idée en tête est insupportable.

Rendre ces préconisations obligatoires est aujourd’hui l’un des combats de notre association, AF447 entraide et solidarité. Nous savons que nous pourrons ainsi sauver des vies. Je ne veux pas que mon fils soit mort pour rien, même si rien ne le ramènera. Les membres de l’association pensent tous comme moi. Il est important que les responsables soient condamnés pour que de réelles modifications soient apportées en matière de sécurité.

Argent

La Malaisie n’a pas géré la situation de la même façon que notre pays lors du crash du vol Air France 447. Elle n’a pas fait preuve de la même transparence. Le gouvernement malaisien avait probablement des informations dès le début mais ne les a pas communiquées immédiatement. Pourquoi ? Cela reste à déterminer. Pourtant, il avait déjà une petite idée du trajet effectué par l’avion et notamment de son demi-tour. Du coup, il n’a pas mis tout de suite tous les moyens nécessaires pour le retrouver et une vingtaine de jours ont été perdus pour arriver sur zone, tous les spécialistes le disent.

Mais il y a de tels enjeux économiques ! Si l’on venait à accuser Boeing pour un problème technique, ce serait terrible pour ce constructeur. Dans notre cas, personne ne voulait mettre en cause Airbus et pourtant le dossier a montré une défaillance de certaines sondes. C’est difficile, quand on est frappé par un tel drame, de voir en face de vous des gens qui se moquent de votre malheur car leur seul souci c’est de protéger leurs intérêts.

Combien de fois nous a-t-on dit : “Vous nous emm... avec votre avion" ? Pourtant, la vie humaine devrait être plus importante que l’argent. Je constate à regret que ce n’est toujours pas le cas. Je veux apporter le soutien de notre association à toutes ces familles. Et leur dire que leur désarroi est aussi le nôtre. »

Guillaume d’Abzac

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