"Ma femme m’a sauvé la vie en me donnant un rein"

«En juillet 2008, on m’a annoncé que j’étais atteint de la maladie de Berger, qui est une grave insuffisance rénale. Mes deux reins ne fonctionnaient plus. Je me souviens que j’ai pleuré comme un gosse. J’ai pris un grand coup derrière la tête et pensé au pire. Mais toute l’équipe médicale m’a soutenu. Les docteurs m’ont dit que c’était grave, mais qu’il y avait une solution : la greffe.

Malheureusement, trouver un donneur compatible n’est pas si facile. J’ai attendu deux ans, je n’urinais plus, j’étais essoufflé, la voix cassée... Deux ans de dialyse avec une séance tous les deux jours. À 44 ans, moi qui étais artisan peintre, sportif, je me retrouvais coincé avec une idée fixe : y aura-t-il un donneur compatible ?

Puis un jour, Marielle, ma femme depuis seize ans, en a eu assez de me voir rentrer tout le temps comme ça. Elle a eu une idée : puisque nous avons le même groupe sanguin, pourquoi ne serions-nous pas compatibles ? Depuis peu, la loi autorise les dons d’organe de son vivant de la part du conjoint. Marielle ne s’est pas posée de questions et a passé tous les examens médicaux et psychologiques imaginables. Il faut savoir que la compatibilité est rare quand on n’est pas de la même famille.

Puis, un jour, les médecins nous ont dit que ça collait. On pleurait de joie ! J’ai cru que j’allais embrasser le docteur ! On avait fait les démarches mais je n’y croyais plus, au contraire de ma femme. Ensuite, nous avons attaqué le marathon administratif, qui a duré huit mois.

C’est compliqué. Il faut voir des psychologues, la gendarmerie... Les formalités administratives sont vraiment longues. Je suis même passé devant un comité de don d’organes. Si son avis avait été défavorable, bien que nous soyons compatibles physiquement, tout aurait été annulé. Mais leur réponse a été positive ! Il a aussi fallu avoir l’accord du procureur de la république d’Albertville.

Finalement, nous avons été opérés le 11 février au CHU de Grenoble, trois jours avant la Saint-Valentin. L’intervention a duré six heures environ.

Quel beau cadeau d’amour ! Ce qu’a fait ma femme, c’est un geste magnifique. Et je ne saurai peut-être jamais l’exprimer assez fort. C’est une renaissance pour moi, je revis. Marielle a donné naissance à quatre enfants (dont un que nous avons fait ensemble) et là, elle me redonne la vie.

Ce qui m’embarrasse, c’est que l’opération s’est mieux passée pour moi que pour elle, qui a eu des petits soucis. Elle a été contaminée par un virus, et est en réanimation à l’heure où je donne cette interview. C’est insupportable pour moi qui suis en pleine forme...

Ils disent qu’elle mettra quelques semaines à s’en remettre. Je vais sortir plus tôt, et ça me gêne. Je voulais qu’on rentre ensemble à la maison. J’espère reprendre mon travail dans deux mois.

Avant la maladie, on était très actifs. Ski, badminton, squash, vélo, randonnées... Il y a de quoi faire en Savoie ! Je vais pouvoir reprendre le sport, alors que je soufflais comme un vieux. Mais il me faudra y aller doucement.

Je veux sensibiliser vos lecteurs au don d’organe. Il y a tellement peu de donneurs ! Avant, j’étais comme tout le monde, je ne le savais pas. Aujourd’hui, je sais ce que cela signifie de recevoir. »

Propos recueilli par Benoît Franquebalme

[box type="info" style="rounded"]Une loi étend la possibilité de don d’organes. La possibilité de don d’organes entre personnes vivantes a été élargie par l’Assemblée nationale, contre l’avis du gouvernement, le 16 février dernier. Le texte sera examiné par le Sénat en juin prochain.

La proposition de loi prévoit d’« étendre les possibilités de dons d’organe au-delà du cercle familial, dès l’instant que des liens affectifs étroits et stables peuvent être démontrés entre un donneur et un receveur ». De même, les dons croisés d’organes seraient désormais autorisés. Un couple pourra ainsi donner un organe à un autre couple et vice-versa. Le don d’organes entre conjoints est, lui, permis depuis 2004.[/box]