“Ma fille a été violée, mais il y a prescription”

France Dimanche
“Ma fille a été violée, mais il y a prescription”

Mme Lavanchy, Héry (Yonne)

Isaline n’a révélé à sa mère, que douze ans plus tard, l’agression dont elle avait été victime. Trop tard pour faire condamner les coupables.

«Isaline avait 14 ans, quand nous sommes partis en vacances avec elle et mon mari sur l’île de Ré. Nous étions si contents, c’étaient nos premières vacances. Nous avions trouvé un joli camping près de la plage. Nous avons fait quelques connaissances, notre fille aussi. Qu’elle était heureuse notre belle petite !

Isaline

Puis, quelques jours avant de partir, son comportement a changé. Elle qui aimait mettre de jolis maillots de bain, ne mettait plus que des pulls ou des pantalons. Elle restait désormais près de nous. Nous avons pensé que c’était dû à notre prochain départ, qu’elle était triste de quitter ses amis.

Sang

Sur le chemin du retour, Isaline ne parlait pas. Tout à coup, du sang a coulé entre ses cuisses. Nous avons mis cela sur le compte de la chaleur, avec ce pull et ce pantalon qu’elle ne quittait plus. Nous avons souhaité nous arrêter dans un hôpital mais elle n’a pas voulu. À la maison, nous avons fait venir un médecin qui lui a demandé si elle ne faisait pas une fausse couche. Elle a répondu que non, et nous en sommes restés là. La vie a repris son cours. Isaline était une bonne élève, très gentille.

Isaline (à g.) pose avec sa mère

C’est douze ans après que nous avons enfin su la vérité. Elle m’a avoué avoir été violée par trois garçons d’une vingtaine d’années. Nous sommes allés à la gendarmerie mais on nous a dit qu’il y avait prescription*. Depuis, nous ne sommes plus les mêmes. Qu’est-ce que ça veut dire, prescription ? Que cela vienne d’arriver ou que les faits remontent à des années, le viol a eu lieu !

Je hais ces hommes et je voudrais les voir morts. C’est ce qu’ils méritent. Mais où voulez-vous les trouver, dans un camping ? J’ai fait quelques recherches sans résultat. Ma fille a perdu son travail et n’a plus de permis. Divorcée, elle ne sort plus de chez elle. Elle a quelques contacts avec ses deux filles mais son fils lui a tourné le dos et Isaline ne connaît pas les trois enfants de ce dernier.

Pour moi, une adolescente victime d’un viol collectif est une morte vivante. Que fait la justice contre ces salauds qui ont bousillé nos vies ? Alors que ceux-ci mènent sans doute une existence tranquille. Nous sommes toutes les deux dépressives et nous sommes tellement nombreuses dans ce cas. Nous ne vivons plus, nous survivons ! »

* Elle était alors de dix ans à compter des faits. La loi Perben II, de 2004, permet désormais aux victimes mineures de porter plainte pendant vingt ans à compter de leur majorité.

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