“Ma fille que je croyais morte ressurgit dans ma vie”

France Dimanche
“Ma fille que je croyais morte ressurgit dans ma vie”

Christophe, Aiserey (Côte-d’Or)    

Pendant trente ans, ce père a cru son premier enfant décédé. Sa mère l’avait en réalité abandonné. Aujourd’hui, il veut renouer le lien avec sa fille officiellement née sous X. 

« C’est à l’âge de 16 ans, en 1982, que j’ai rencontré mon ex-­compagne. Nous vivions chacun chez nos parents, on se voyait tous les week-ends. Après un an de relation, elle est tombée enceinte. Malgré notre jeune âge, j’étais heureux, je caressais son ventre qui grossissait de semaine en semaine. J’avais décidé d’appeler notre enfant Mickaël. Mais, quelques jours avant l’accouchement, elle ne m’a plus donné la moindre nouvelle.

Elle a fini par me recontacter et m’a demandé de venir la voir. Nous nous sommes assis dans la grande rue de son village, et elle m’a annoncé que le bébé était mort-né. Ce fut un choc terrible ! Malgré tout, au fond de moi, je n’y croyais pas. J’avais comme un sixième sens qui me disait que notre enfant était encore en vie.

Un peu plus tard, elle m’a emmené sur la tombe de notre bébé. Comme je l’aimais, je lui ai fait confiance. Et pendant les treize années suivantes, nous avons poursuivi notre histoire d’amour et avons eu deux autres enfants.

Quand Christophe a enfin découvert où vivait sa fille, il s'est grimé pour aller la voir

Abandon

C’est en février 2013 que tout a basculé. Cela faisait presque cinq ans déjà que je réclamais à mon ex-compagne le certificat de décès de notre premier enfant. Je l’ai menacée de porter plainte contre elle. C’est alors qu’elle m’a tout expliqué... Juste après son accouchement chez ses parents, le médecin lui a placé le nouveau-né sur le ventre. Elle a embrassé notre bébé puis il l’a enveloppé dans une couverture et est parti avec lui. Elle avait décidé de l’abandonner sans me le dire.

À cet instant, j’ai reçu un grand coup de poignard dans le ventre. Je lui ai demandé pourquoi elle avait fait ça. Elle m’a répondu qu’elle ne voulait pas de cet enfant à ce moment-là, mais qu’elle regrettait. Pourquoi ne me l’avait-elle pas confié ? Elle ne savait pas. En rentrant chez moi ce jour-là, j’ai sangloté pendant les 78 kilomètres qui me séparaient de mon domicile. J’avais envie de mourir. Comment peut-on mentir et trahir ainsi quelqu’un pendant trente ans ?

Rapidement, j’ai décidé que j’allais rechercher cet enfant pour qu’il sache toute la vérité. Comme je n’avais aucune information, j’ai fait appel à un détective privé. L’opération fut un véritable échec. Il a effectivement retrouvé ma fille, mais a refusé de me dire où elle se trouvait car elle lui aurait dit qu’elle ne souhaitait pas me rencontrer. Puis il m’a demandé 2 200 euros !

Je suis donc reparti de zéro, tout seul. C’est en consultant les tables décennales des mairies de chaque ville du département de Saône-et-Loire que j’ai fait des rapprochements. Et j’ai fini par la localiser ! Il y a peu de temps, je me suis rendu, grimé, dans son village. J’avais ôté mes lunettes. Je me suis fait passer pour un commercial et j’ai pu l’approcher.

Quand je l’ai vue, ça m’a fait un choc. Elle est le portrait craché de ma deuxième fille. J’avais tellement envie d’aller vers elle, de lui dire : “Ma chérie, je suis ton papa biologique." Mais je n’ai pas voulu lui faire peur.

Aujourd’hui, je suis en colère contre la loi sur les naissances sous X. Elle doit absolument évoluer. Trop d’enfants ont besoin de connaître leurs racines pour avancer dans la vie. Par ailleurs, il est vraiment intolérable que les pères n’aient pas leur mot à dire dans ces affaires ! J’ai perdu trente ans de vie avec mon premier enfant.

J’aurais tellement voulu la bercer, la cajoler, la faire sauter sur mes genoux, la couvrir de bisous... Mais on m’en a privé. »

Marine Mazéas (texte et photos)

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