"Ma grand-mère Mamika"

France Dimanche
"Ma grand-mère Mamika"

 L'idée d'associer Mamika à mon travail est née lorsque, pour l'occuper, elle qui a quand même travaillé jusqu'à 80 ans, j'ai décidé de lui faire présenter mes travaux de manière un peu humoristique.

« Même si, comme beaucoup d'enfants, c'est auprès de ma grand-mère Mamika que j'ai appris les jours de la semaine, notre réelle complicité ne s'est vraiment instaurée qu'à l'adolescence. En conflit avec les miens, j'ai trouvé du réconfort à son côté, et depuis lors, notre connivence n'a fait que grandir. À cette époque, il faut croire que Mamika avait peur que je meure de faim car quand elle venait me chercher à la sortie de l'école, elle me portait toujours des sandwiches au foie gras de Hongrie et d'autres au saumon fumé ! Je ne m'en plaignais pas...

Je ne me plaignais pas non plus lorsqu'elle m'invitait à partir en voyage en Italie ou qu'elle me conduisait en boîte de nuit, voire lorsqu'elle m'aidait à trouver mes petites amies ! Aujourd'hui, notre relation est toujours aussi forte. La preuve ? Mamika vit chez moi, en ce moment !

Et puis un jour, j'ai décidé d'aller plus loin, de la mettre directement en scène en donnant d'elle une image complètement décalée, très en accord, toutefois, avec l'humour juif ashkénaze qu'elle possède et qu'elle m'a transmis.  Nous avons donc décidé de nous moquer gentiment des petits travers de la vieillesse, tout en lui donnant l'apparence d'une super héroïne. C'est ainsi que Mamika, drapée dans sa cape de Super Woman, prend un cornichon pour une lime, chevauche une moto à l'envers ou repasse son chien par mégarde...

Cela a été un travail de dingue et elle a fait preuve d'un courage et d'un professionnalisme exceptionnel. Nous avons réalisé entre 5000 et 8000 photos, Mamika posant jusqu'à 10 heures par jour, dans des positions parfois très inconfortables pour ses 91 ans. Eh oui, 91 ans c'est son âge, quoi qu'elle en dise, elle qui veut toujours en avoir 25 ! Moi je lui rétorque : “Mamika, tu es très belle et tu prends la lumière comme personne !“. Pour une photo, on lui a collé entre 60 et 80 briques sur le dos et elle a dû rester longtemps le nez contre ce faux mur, si longtemps... qu'elle s'est endormie.

Je me moque gentiment d'elle aujourd'hui, comme elle se moque d'elle-même d'ailleurs, mais à dire vrai, ma mamie - qui ne s'en vante pas - est réellement une héroïne. En Hongrie, dans sa jeunesse, elle a dû affronter le nazisme, puis le communisme. À 20 ans, refusant de porter l'étoile jaune, elle a caché des gens chez elle et a même reçu des éclats de bombe sur le crâne. Ça ne risque plus de lui arriver aujourd'hui : je lui ai mis un casque sur la tête. Pour ne pas qu'elle enfle, avec cette soudaine célébrité ! Evidemment, ça n'a rien changé pour elle qui souligne qu'elle a toujours les mêmes problèmes, toujours le même mal à l'estomac.

Prochainement, je lui réserve une belle surprise. Comme rien ne sera jamais trop beau pour Mamika, pour lui prouver toute ma tendresse et tout mon amour, je vais lui offrir quelque chose de magique : ma mamie va être la première femme à poser un pied... sur la lune. A suivre..."

Cyril Bousquet

En vidéo