“Même la mort ne nous a pas séparés”

France Dimanche
“Même la mort ne nous a pas séparés”

Comment continuer à vivre après le tragique décès de sa femme adorée, à seulement 35 ans ? Pour faire le deuil, il s’est mis à écrire.

« Victime d’une erreur médicale, mon épouse Emmanuelle est décédée le 21 novembre 2000. Elle avait 35 ans. Douze ans ont passé, qui n’ont pas atténué mes sentiments pour elle : je l’aime encore, comme au premier jour... Nous avons fait connaissance un soir d’été, chez un ami commun. Sa démarche sensuelle m’a électrisé, elle était si belle. Je pensais même qu’elle était trop bien pour moi. Pourtant, une alchimie nous reliait, sans nous parler, nous étions en phase.

J’adorais sa façon de me surprendre. Elle était capable de folies, comme de sauter dans le vide à l’élastique, de se mettre soudain à jouer de la batterie comme une diablesse, ou de me mystifier d’un tour de cartes dont elle avait le secret. Ses éclats de rires, sa moue boudeuse me faisaient fondre. J’étais fou d’elle. Notre couple irradiait de bonheur et de complicité. En 1996, un an après notre mariage, Julien et Mathieu, nos jumeaux, sont nés. Ils n’avaient que 4 ans quand leur maman a disparu pour toujours...

Début 2000, alors qu’elle était en pleine santé, Emmanuelle a eu ces mots prémonitoires : “Tu sais Arnaud, je partirai avant toi. Toi, tu auras des cheveux blancs, pas moi." Quelques mois plus tard, choquée après un pénible entretien professionnel, elle a fait un malaise. Les médecins ont diagnostiqué un problème cardiaque. Sept jours après, elle succombait à une hémorragie cérébrale. Comment allais-je pouvoir continuer à vivre sans elle ?

À la mort d’un proche, certains cherchent de l’autre côté. C’est humain. J’ai moi aussi fait cette démarche. J’ai approché des voyants, et certains d’entre eux m’ont fait des révélations assez déroutantes. Au fond de moi, ces prédictions m’ont redonné de l’espoir. Pendant de longues années, ma peine était immense. Je ne réussissais pas à me séparer de ses photos. J’avais tellement besoin de son sourire, de sa fossette. Pourtant, aujourd’hui, je sais que nos âmes se retrouveront car notre amour, lui, est toujours là.

Injuste

Le jour de notre premier baiser avait été l’un des plus beaux de ma vie. Conscient qu’avec Emmanuelle mon existence avait basculé, j’ai commencé à écrire sur notre rencontre. De son côté, ma bien-aimée avait elle aussi pris la plume pour raconter notre relation fusionnelle. Ses textes m’ont permis de surmonter ma douleur. Après son injuste disparition, j’ai décidé de les adjoindre aux miens pour en faire un livre, "N’oublie pas que je t’aime", que j’ai terminé seul, guidé par la présence d’Emmanuelle. C’était comme si j’écrivais sous sa dictée.

Dans cet ouvrage, je n’ai pas voulu raconter mon chagrin, juste livrer un message d’espoir qui témoigne que le destin de deux êtres peut se mêler à jamais. Il m’a fallu trois ans pour en achever la rédaction, et sept avant de pouvoir le relire sans pleurer. C’était si douloureux de revenir sur ce que nous avions créé tous les deux. Notre histoire fait penser au film Love Story avec Ali MacGraw, dont la ressemblance avec Emmanuelle est troublante. J’ai hésité avant de rendre publique notre intimité. Si je me suis décidé, c’est surtout pour que nos fils connaissent leur mère. Désormais, j’espère que notre histoire aidera les amoureux et les personnes en deuil.

Diplômé d’HEC, après une carrière dans les médias, j’organise maintenant des événements culturels. Mais, grâce à ma femme, je suis aussi devenu écrivain et j’ai vécu le succès de “notre" premier livre comme un cadeau. Pour donner vie à ses rêves, j’ai également terminé le scénario d’un film qu’elle avait débuté. Il est devenu la suite de notre roman. "Reviens mon ange“ est sorti cet été. C’est un polar sentimental, auquel mes fils ont participé. Je me suis dit que si elle voulait m’en souffler la fin, elle le ferait à travers eux.

Tout ce que j’entreprends grâce à Emmanuelle est magique. Aujourd’hui, j’aime son âme sans retour. L’amour, le vrai, existe. Mon ange me protège. Je sais qu’elle m’enverra une autre femme, car toute notre histoire a un sens. Albert Einstein a dit : “Le hasard, c’est le nom que prend Dieu quand il se promène incognito". Je reste confiant en attendant ma deuxième vie. »

Propos recueilli par Anita Buttez

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