“On m’appelait la chauve qui sourit”

France Dimanche
“On m’appelait la chauve qui sourit”

Sandra, Jargeau (Loiret)

Atteinte d’une leucémie, cette jeune femme a frôlé la mort. Sauvée par un inconnu grâce à une greffe, elle essaie d’encourager le don de moelle osseuse, afin d’aider d’autres malades.

« C’est vrai que j’avais mal aux gencives, que je saignais beaucoup à la moindre coupure, que ma peau réagissait à un nouveau gel douche, mais j’étais loin d’imaginer que c’était parce que j’étais malade, atteinte d’une leucémie aiguë qui pouvait me tuer. À l’époque, j’étais chauffeur-livreur, et c’est à la suite d’un banal accident de camion que j’ai consulté pour des douleurs persistantes aux cervicales. Une prise de sang plus tard, j’apprenais la triste nouvelle et, dès le lendemain, je devais intégrer une chambre d’hôpital pour entamer une chimiothérapie. Ce fut comme un coup de massue !

Mais tout de suite après avoir pleuré, j’ai appelé mes amis et j’ai organisé une petite soirée avec une seule consigne : larmes interdites ! Une vraie réussite ! Le lendemain matin, j’ai découvert ma petite chambre de 8 m2, entièrement stérile, dans laquelle les visiteurs et le personnel médical devaient pénétrer déguisés en cosmonautes (blouse et masque) pour éviter toute contamination. J’y ai passé un mois sans sortir, à regarder la télévision, à lire, jouer à la console et me reposer, car la chimiothérapie m’affaiblissait. Mais, soutenue par mes proches et le personnel, je n’ai pas passé un jour sans rire, ce qui m’a beaucoup aidée.

Optimiste

Comme tout le monde, j’avais entendu parler de la leucémie, mais je ne savais pas qu’il y en avait plusieurs et que cela pouvait être aussi grave. Pendant ces longs mois où j’ai été malade, j’ai essayé de ne pas penser à la mort. Je voulais rester positive, vivre au jour le jour sans songer à l’étape suivante. Finalement, j’ai subi trois chimios qui m’ont fait perdre mes cheveux. Je restais optimiste et confiante, au point qu’un ami m’a surnommée “la chauve qui sourit".

Malheureusement, les chimiothérapies n’ont pas suffi, et j’ai appris que, pour guérir, j’avais besoin d’un don de moelle osseuse. Mais sans frère ni sœur, je n’avais qu’une chance sur un million de trouver une personne compatible ! J’étais inquiète. Pourtant, plutôt que de déprimer, j’ai décidé d’y croire. Quelques jours plus tard, bonne nouvelle, un Italien inscrit sur le registre des Veilleurs de vie, qui regroupe les donneurs de moelle osseuse, était compatible ! Cet inconnu, que je ne connaîtrai jamais, m’a fait le plus beau des cadeaux. Il m’a permis de continuer à vivre !

Chance

Quelques mois plus tard, j’ai quitté Orléans pour intégrer une des chambres stériles de Villejuif, où j’ai pu subir la greffe. Je ne savais pas à quoi m’attendre et je m’imaginais déjà sur une table d’opération... Finalement, il s’agissait d’une transfusion ! La transfusion miracle qui a permis au liquide rouge de mon donneur de pénétrer dans mon corps. Je n’ai plus beaucoup de souvenirs des journées qui ont suivi, j’étais exténuée, nourrie par un tuyau, je ne pesais que 35 kg au lieu des 52 kg habituels, et la cortisone me faisait une tête de hamster. Cependant, après quelques mois de convalescence, j’ai pu retrouver des forces.

Cinq ans se sont écoulés depuis ma greffe et, le 8 janvier dernier, j’ai appris que j’étais officiellement guérie. La maladie est derrière moi, mais la parenthèse n’est pas fermée pour autant. Si j’ai eu la chance d’avoir un donneur compatible, j’ai croisé à l’hôpital des personnes qui sont décédées faute d’avoir eu cette chance ! J’avais envie de faire quelque chose pour les autres malades, alors j’ai fondé l’association La chauve qui sourit. Mon objectif est d’encourager un maximum de personnes à donner leur moelle osseuse en organisant des expositions ou des marches.

Contrairement aux idées reçues, le prélèvement ne s’effectue pas dans la colonne vertébrale (ça, c’est pour la moelle épinière) mais en superficie des os du bassin. Je sais qu’on a tous des emplois du temps chargés, que certains ont peur des aiguilles, mais quand on pense qu’on peut sauver la vie de quelqu’un, que valent ces quelques minutes ?

Aujourd’hui, mon existence a changé. Je ne suis plus apte au métier de chauffeur-livreur, mais je fais en ce moment une formation pour devenir monitrice d’auto-école. Moi qui aime beaucoup le contact avec les gens et être sur la route, je suis ravie ! Mon regard a également évolué, j’essaie de toujours voir le bon côté des choses et de profiter de chaque instant ! »

"Mon sourire pour guérir, sauvée par un veilleur de vie" de Sandra Dal-Maso, avec la collaboration de Sophie Adriansen, aux éditions Max Milo.

Propos recueilli par Julie Boucher

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