“On ne baissera jamais les bras face aux patrons voyous”

France Dimanche
“On ne baissera jamais les bras face aux patrons voyous”

Brigitte Petit, Avion (Pas-de-Calais)

Licenciée en 2007 avec 204 autres salariés de l’usine Samsonite d’Hénin-Beaumont, cette ouvrière de 56 ans rentre de Boston (États-Unis) où elle veut faire condamner les responsables de la faillite de leur usine.

« On a quitté la France le 4 mars dernier. On était 31 au total : 21 ex-salariés de l’usine Samsonite et 10 conjoints. On est partis en autocar pour Bruxelles, avant de prendre un avion pour Boston (États-Unis), où se déroulait l’audience du tribunal. Il devait décider si notre demande de dommages et intérêts au principal actionnaire de Samsonite, le fonds d’investissement Bain Capital, était légitime.

Même si aucun d’entre nous ne parle anglais, on a écouté les avocats, les juges. Vingt minutes plus tard, on est ressortis en silence, et notre avocat nous a expliqué qu’on en saurait plus en mai. Au moins, les Américains ont vu que les travailleurs français savent se défendre ! Même sept ans après les faits, on tient bon !

Un combat qui la menée jusqu'à Boston !

Nous voulons faire condamner Bain Capital, instigateur du désastre social provoqué par la fermeture de l’usine d’Hénin-Beaumont, laissant 205 camarades sur le carreau. Il faut savoir qu’aujourd’hui, seuls 60 salariés ont retrouvé un CDI, 10 sont à la retraite et les autres travaillent en intérim ou en CDD. Certains ne touchent que le RMI et ne peuvent plus payer leur loyer, ni leur électricité. Quand on se rend sur le site où est installée notre usine, quel désarroi ! Tout a été dévasté, dégradé !

Sacrifices

C’est là que j’ai travaillé pendant vingt-quatre ans, jusqu’à mon licenciement. J’ai sacrifié ma vie pour Samsonite. On nous demandait de faire des heures sup, on ne rechignait pas. On nous supprimait des congés, on acceptait. On nettoyait même les locaux. On a tout fait pour garder notre emploi. L’usine, c’était notre famille. Il y avait une majorité d’ouvrières et on était toutes unies. Jamais on n’aurait pensé qu’une telle catastrophe arrive !

Elle, et ses camarades de l'usine d'Hénin-Beaumont veulent l'actionnaire principal de Samsonite leur verse des dommages et intérêts

En 2005, le bagagiste américain a décidé de céder l’entreprise à deux repreneurs censés reconvertir le site dans la fabrication de panneaux solaires. Mais aucun panneau photovoltaïque n’est sorti de l’usine. Dix-huit mois plus tard, ces deux “patrons voyous", Jean-Jacques Aurel et Jean-Michel Goulletquer, mettaient la clé sous la porte, détournant au passage 2,5 millions d’euros, et nous licenciaient du jour au lendemain.

La Cour de cassation vient d’ailleurs de confirmer le jugement qui les condamne respectivement à un et deux ans de prison ferme pour avoir provoqué sciemment la faillite de l’entreprise.

Colère

J’éprouve de la colère, de la haine envers ces hommes qui ont joué avec nos vies et délocalisé la production. Aujourd’hui, des bagages Samsonite sont encore fabriqués en Belgique, où il reste une usine, mais surtout en Chine et en Inde, deux pays où la main-d’œuvre est au rabais. L’usine d’Hénin-Beaumont n’a pas été fermée parce qu’elle ne marchait pas, mais bien parce que les actionnaires voulaient toujours plus de retour sur leurs investissements. Bain Capital a profité de la situation et, du coup, leurs profits ont triplé ! Cela me fait vraiment mal au cœur.

Un combat qu'elle mènera jusqu'au bout !

À Boston, où se trouve le siège du fonds d’investissement, il y avait un magasin Samsonite tout près du tribunal. On est allés dans cette boutique, pour voir les dernières valises à fond souple. Et dire, qu’à l’époque, on fabriquait chez nous les premiers prototypes de ces modèles vendus aujourd’hui partout dans le monde... »

Alicia Comet

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