«A 37 ans, j’ai appris que j’avais un cancer du côlon. L’annonce de ma tumeur m’a abattue, anéantie, épouvantée... Le chirurgien m’a expliqué que j’allais être opérée et qu’on allait me “taper dessus avec de la chimio" : je m’imaginais au fond d’un lit, chauve, une perfusion dans le bras... Heureusement, on m’a d’emblée rassurée en m’annonçant que j’allais m’en sortir sans séquelles, que je ne perdrais pas mes cheveux et que je pourrais même continuer à travailler. Ma mère a alors eu cette phrase incroyable, un véritable cri du cœur : “On ne meurt pas comme ça !", et c’est devenu le titre de mon livre.
J’ai entamé les soins à l’hôpital. À plusieurs reprises, le personnel soignant a cru que c’était ma mère – qui m’a toujours accompagnée ! – la malade. Normal : j’ai un cancer de “vieux", je suis l’erreur de casting, celle qui fait rajeunir les statistiques !
Au début, j’ai continué à travailler. Puis, j’ai arrêté au cours de ma deuxième chimio, avant que la fatigue ne se soit trop installée. J’ai senti que je devais me mobiliser pleinement pour combattre la maladie. J’avais l’impression qu’en continuant d’aller bosser, je diminuais mes chances de réussite. D’autres préfèrent garder une activité pour avoir l’impression de ne pas céder face au cancer. Chacun fait comme il peut, comme il veut !
Pendant et après mes soins, j’ai reçu un soutien constant de mon entourage, de mes parents, mes frères, mes amis. À l’époque, j’étais célibataire. Je me suis alors fait une double promesse : celle de guérir et celle de tomber amoureuse. Évidemment, ce n’est pas à l’hôpital que j’allais rencontrer un homme de mon âge ! Ma vie était très belle avant la maladie, riche, pleine, mais il me manquait l’amour. Je n’allais pas renoncer à cette quête ! Aussi ai-je continué, pendant toute la durée de mon traitement, à rester dans la séduction, à faire du shopping, à me mettre du vernis à ongles, à rire, à sortir, à essayer de trouver l’âme sœur. Le cancer ne m’a pas fait renoncer à tout cela.
Un soir, j’ai rencontré un jeune homme très entreprenant, trop. Pour couper court à ses ambitions, je lui ai annoncé que j’étais malade. Il a alors pris ses jambes à son cou : ça l’avait complètement refroidi. J’ai réalisé à ce moment qu’il allait être compliqué d’entamer une relation dans ma situation.
C’est plus tard que mon vœu a été exaucé. Traverser une telle épreuve m’a permis de lâcher prise sentimentalement. Avant, je craignais de tomber amoureuse. Mais à côté de la peur de mourir, la peur de s’abandonner à un homme disparaît ! Avoir frôlé l’abîme m’a rendu intrépide, j’ai pu raisonner mon angoisse face à la gent masculine.
Avant de tomber malade, je n’arrivais pas à guérir d’un chagrin d’amour, qui n’était plus qu’un souvenir une fois mes soins achevés. Mon témoignage est donc le récit d’une double guérison, médicale et sentimentale, car cet été, je m’installe enfin avec mon compagnon, rencontré il y a un an et demi chez des amis !
J’ai voulu raconter mon histoire dans un livre [On ne meurt pas comme ça, de Charlotte Fouilleron, Max Milo éditions, ndlr] pour partager, sans pathos, ce qui m’était arrivé. J’ai voulu dédramatiser, montrer que l’on peut guérir du cancer, véhiculer un message d’espoir sans pour autant édulcorer l’épreuve que cela a constitué. D’ailleurs, dans mon livre, je n’élude à aucun moment les sentiments ressentis : mes craintes, mes crises de larmes...
Le cancer a changé ma manière de vivre : je suis beaucoup plus dans le présent que je ne l’étais auparavant, je savoure chaque instant, ne regrette pas le passé, n’appréhende pas l’avenir, je suis dans le “ici et maintenant".
Je pense que je me sens plus vivante que certaines personnes qui n’ont jamais été malades. C’est une très grande force. Ma nouvelle devise est une citation d’Albert Camus : “Il n’y a pas de honte à préférer le bonheur !" »
Recueilli par Florence Heimburger
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