Sylvie Royant-Parola
Dr Sylvie Royant-Parola, psychiatre spécialisée dans les troubles du sommeil, présidente du réseau Morphée. Auteur de Comment retrouver le sommeil par soi-même (Odile Jacob, 17 €) et Les mécanismes du sommeil (Le Pommier, 10 €).
L’insomnie toucherait 1 Français sur 5, de manière sévère dans 9 % des cas. Il ne s’agit pas d’une affection médicale en soi, mais d’un moyen qu’a notre corps de nous dire que quelque chose ne fonctionne pas bien. Ce symptôme se manifeste de différentes manières : difficulté à s’endormir, réveils nocturnes multiples, sommeil trop court ou de mauvaise qualité... Il peut être occasionnel (quelques jours ou semaines) ou récurrent (plusieurs mois ou davantage). Les insomnies chroniques (plus de trois fois par semaine et depuis plus de trois mois) font vivre un enfer à leurs « victimes ». Renouer avec un sommeil paisible et durable devient leur quête du Graal.
Mais comment l’atteindre sans médicaments ? Car, si la prise ponctuelle (durant un mois maximum) et raisonnée de somnifères ou tranquillisants peut être très utile, en abuser conduit aux effets inverses : perte de leur efficacité, dérèglement du sommeil, dépendance...
Rappelons tout d’abord quelques règles d’hygiène de vie élémentaires qui, si elles ne sont pas respectées, peuvent perturber le sommeil.
- Avoir des heures de coucher et de lever régulières.
- Se mettre au lit lorsqu’on en ressent le besoin (bâillements, nuque raide, yeux qui piquent...).
- Ne pas chercher à dormir plus, mais mieux.
- Ne pas faire de siestes trop longues (pas plus d’une demi-heure) ou trop tardives (après 16 heures).
- Éviter les excitants (café, thé, vitamine C, Coca-Cola, nicotine, alcool...), les dîners trop copieux, le sport et les activités stimulantes après 17-18 heures (préférer des activités relaxantes : lecture, musique douce...).
- Bannir les écrans le soir (tablettes, smartphones...).
- Réserver le lit au sommeil et à l’activité sexuelle.
- Avoir une chambre agréable, confortable et aérée. Privilégier les éclairages tamisés et veiller à maintenir une température modérée (pas plus de 18-19 °C).
Si malgré tout vos insomnies persistent, vous pouvez recourir à des méthodes douces pour retrouver un bon sommeil. Les thérapies comportementales et cognitives (TCC) vous aideront à rompre avec certaines (mauvaises) habitudes. En effet, des comportements inappropriés risquent d’entretenir l’insomnie. Ainsi, l’angoisse à l’idée de ne pas dormir peut conduire à se coucher plus tôt (alors qu’on n’a pas sommeil) ou à traîner au lit, en espérant récupérer.
La première étape d’une TCC consiste donc à observer et analyser ses modes de fonctionnement pour ensuite en adopter de nouveaux, plus adaptés. Cette méthode pédagogique et active contribue à dédramatiser peu à peu ses difficultés. Le changement s’obtient en tenant un agenda de son sommeil (en notant, sur une assez longue période, la façon dont se déroulent ses nuits) et en se fixant des objectifs réalisables. En quelques semaines, les tensions s’apaisent, la confiance dans son sommeil se réinstaure, les rythmes se restructurent. On réapprend à dormir quand on en a vraiment besoin (et à se lever quand on n’a plus sommeil). En réduisant volontairement, dans un premier temps, la durée passée au lit ! Pour trouver un thérapeute ou un centre du sommeil près de chez vous, demandez conseil à votre généraliste.
Si l’on souffre d’insomnie anxieuse, apprendre à maîtriser une technique de relaxation constitue une bonne option. Objectif : renouer avec ses rythmes biologiques et adopter un meilleur style de vie. Plusieurs solutions existent : sophrologie, hypnose... À pratiquer de préférence avec des médecins, kinésithérapeutes, sophrologues, relaxologues ou psychologues. Pour en trouver un, là encore renseignez-vous auprès de votre généraliste ou de votre pharmacien.
Encore assez nouvelle en France, cette technique est expérimentée à l’unité « sommeil » de l’hôpital Pitié-Salpêtrière (Paris). Équivalente à une technique de développement personnel, cette gymnastique du cerveau s’avère intéressante pour les personnes qui ont du mal à se représenter leur état de tension. Des capteurs qui rendent compte de l’activité cérébrale permettent de visualiser son ressenti sur un ordinateur. En prendre conscience aide à agir dessus. On apprend à décoder les messages de son corps et à s’autoréguler. Plusieurs séances sont nécessaires avant d’être en mesure de répéter ces acquis chez soi.
La valériane est la seule plante à avoir fait ses preuves dans la lutte contre l’insomnie. Elle réduit l’anxiété et facilite l’endormissement. La passiflore, associée à la valériane, peut également combattre les insomnies légères. Le houblon, la camomille, la mélisse auraient, elles aussi, des effets tranquillisants. Ces plantes se prennent sous forme de tisanes, gélules, gouttes ou granulés homéopathiques.
S’exposer chaque matin durant une demi-heure à la lumière naturelle (au printemps ou en été) ou à une lumière artificielle blanche dite « à large spectre », imitant celle du soleil (l’automne et l’hiver) peut offrir une solution aux personnes dont les phases de sommeil sont décalées (elles s’endorment très tard ou trop tôt). Cette méthode, via une lampe de 10 000 lux, agit sur les dérèglements de l’horloge interne. Elle restructure les rythmes (éveil-sommeil, variations de la température corporelle, taux hormonaux...) et aide à retrouver de la régularité. À condition de l’associer à une activité physique (à pratiquer de préférence le matin).
À chacun finalement de trouver la méthode qui lui convient, voire d’en cumuler plusieurs.
« J’ai fait un travail sur moi avec l’aide d’une psychologue car cela ne pouvait plus durer. Cela m’a vraiment aidée. Je n’ai en effet plus jamais eu de gros problèmes d’insomnie par la suite. Il m’arrive parfois encore de connaître des difficultés pour m’endormir lorsque je suis préoccupée mais, heureusement, cela ne dure jamais bien longtemps. »
«Plutôt que de chercher ce qui peut marcher et combattre à tout prix son insomnie comme une ennemie, mieux vaut en faire son amie. Autrement dit, s’en accommoder. J’ai appris à vivre avec en compensant le manque de sommeil nocturne par des microsiestes réparties dans la journée. J’en tire même quelques bénéfices : une acuité, une vitalité que je ne ressens pas toujours lorsque, presque par erreur ou accident, j’ai écrasé mes huit heures. »
Elise JEANNE