Commissaire Vénère : Des ordinateurs installés dans les cellules des prisons

France Dimanche
Commissaire Vénère : Des ordinateurs installés dans les cellules des prisons

Tous les détenus de France vont bientôt avoir accès à un terminal numérique.

C’est une mesure qui va faire couler beaucoup d’encre. D’après les informations du Parisien, les 50 144 cellules de France devraient être équipées d’un terminal numérique. L’administration pénitentiaire espère généraliser ce dispositif, déjà rentré en expérimentation dans trois prisons, à toutes les maisons d’arrêt.

Entre les tentatives d’évasion, les prises d’otage, les violences récurrentes faites aux gardiens, le trafic de stupéfiants et autre insalubrité, sans parler de la surpopulation carcérale, il y avait sans doute d’autres priorités et cette modernisation arrive dans un contexte tendu. D’autant qui ce dispositif devrait coûter 530 millions d’euros... D’ores et déjà, cette initiative est loin de faire l’unanimité. Au micro d’Europe 1, Wilfried Fonck, secrétaire national du syndicat de surveillants Ufap-Unsa Justice, s’interroge sur les dérives d’un tel système, notamment en matière de sécurité. Mais pour François Bès, de l’Observatoire international des prisons, cet outil permettra de réduire la fracture numérique, à l’heure où presque toutes les démarches à l’extérieur se font en ligne...

Faciliter les démarches et soulager l’administration

  • Quand cette mesure sera-t-elle en place ?
  • Qui va en bénéficier et où ?

    Cette mesure est déjà en phase de test dans les établissements de Dijon, Meaux et Nantes. En fonction des retours, il sera décidé de sa généralisation. Rappelons qu’il s’agit d’un système visant à améliorer l’interaction entre les détenus et l’administration pénitentiaire.

     

  • Comment seront installés ces terminaux ? 

    Ils devraient être installés dans chaque cellule ainsi qu’un téléphone fixe. Encore une fois, il s’agit de tests menés à une échelle assez réduite, car le problème de la sécurité informatique doit être résolu de manière satisfaisante avant de passer à la phase de généralisation.

     

  • Les détenus auront-ils, grâce à ces ordinateurs, accès avec l’extérieur ?
  • Auront-ils accès à Internet ?

    Ce sera un dispositif intranet permettant aux détenus de faciliter les démarches à l’intérieur de leur prison : achats, tickets de cantine, réservation de parloirs, etc. Le but est de simplifier les rapports entre l’administration et les détenus.

     

  • Les détenus qui étudient en prison n’utilisent-ils pas déjà des ordinateurs ?

    Actuellement, il y a des accès à Internet pour les prisonniers, mais sous contrôle de l’administration ; ceci pour des besoins de procédure, de jugement à intervenir... Mais tout cela n’est qu’un leurre, vu la quantité de téléphones portables introduits frauduleusement dans les prisons, qui permettent aux détenus d’accéder à Internet sans aucune difficulté.

     

  • Les familles des détenus y auront-elles accès ?
  • Les prisonniers pourront-ils travailler leurs cours en vue de leur réinsertion ?
  • Quel en est l’intérêt ?

    Les familles devraient pouvoir alimenter les comptes des détenus, via une inscription et des codes d’accès. Par ailleurs, les prisonniers pourront s’inscrire à des formations, en vue de l’obtention d’une qualification à leur sortie de prison. Cours, diplômes, apprentissage de la langue française sont déjà en application, mais l’informatique permettra une plus grande facilité d’accès à ces données, en dehors des heures d’enseignement programmé.

     

  • Les téléphones portables sont-ils autorisés pour les prisonniers ?
  • Si oui, sont-ils connectés en 4G ?
  • Et les téléphones fixes ?

    Non, les téléphones mobiles sont interdits aux détenus, mais ce n’est qu’une mascarade puisqu’ils entrent, on le sait, très aisément dans les prisons et que les contacts avec l’extérieur se font de manière tout aussi aisée – rappelons qu’en 2017, pas moins de 40 000 portables avaient été saisis dans les établissements pénitentiaires. Des téléphones fixes, installés en 2020, devraient être le moyen de communication autorisé aux détenus.

     

  • Tous ces moyens de communication ne sont-ils pas dangereux en termes de sécurité ?

    Dangereux, oui, si l’on ne maîtrise pas les communications. Il me semble que la généralisation de brouilleurs pour les téléphones mobiles rendrait déjà un éminent service à la sécurité et supprimerait tout contact non contrôlé avec l’extérieur. Le reste, compte tenu de la technologie informatique, devrait pouvoir permettre des accès filtrés.

Une initiative qui est loin d’être prioritaire

J’avoue avoir été surpris par cette mesure, alors que bien d’autres étaient à prendre en priorité, ne fût-ce que la surpopulation et les conditions de vie des détenus. En effet, rendre plus habitables les cellules, donc ne pas connaître de surnombre, est déjà un facteur qui apaiserait les tensions pour une majorité de prisonniers. Ce qui aurait pour corollaire aussi d’avoir moins de rébellions contre les surveillants. Pour avoir connu de nombreux détenus et les avoir revus une fois libérés, j’ai appris que si leur condition carcérale était supportable, ils n’avaient quasiment pas de conflits avec les « matons ». Or la situation a bien changé depuis plus d’une décennie, voire deux, et les conflits sont devenus monnaie courante du fait d’une promiscuité insupportable dont les surveillants, en première ligne, font les frais. Alors, pour moi, fracture numérique il peut y avoir, et encore, car l’informatique est déjà accessible aux détenus, alors que la fracture sociale, elle, est criante et qu’elle est source de biens des maux.

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