NATURE : Devenez guide touristique amateur !

France Dimanche
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Armé d'une bonne motivation, chacun peut aujourd'hui faire visiter sa ville, son quartier, parfois contre rémunération…

Yvon Tapias, 65 ans, est né à Marseille, a grandi à La Belle de Mai. Il adore sa ville et aime en parler. Jamais à court d'anecdotes personnelles, il emmène souvent une dizaine de personnes visiter les quartiers du Panier, de Belsunce ou encore du Vieux-Port. Il n'a pas de diplôme de guide, ne prétend pas l'être, il est juste accompagnateur.

“Il faut avoir la passion de transmettre, un brin de pédagogie, une voix forte, intéresser le public et être organisé."

Comme lui, vous pouvez faire découvrir votre village ou votre quartier, choisir un thème – les fontaines, les plantes des rues... – et parfois, arrondir vos fins de mois. « Un accompagnateur doit avoir la passion de transmettre, un brin de pédagogie, posséder une voix assez forte, savoir intéresser un public et être un minimum organisé, puisqu'il prend en charge toute la logistique de la balade. C'est lui qui nous propose son parcours, fait les repérages et nous dit ce qu'il va raconter », explique Marianne Ruelle, présidente de l'association Marseille Autrement, à laquelle appartient Yvon Tapias.

Engagement

La rémunération varie selon les organisations. Hôtel du Nord propose ainsi un contrat de conférencier de 200 euros par balade de trois heures. Chez Marseille Autrement, l'accompagnateur, sous statut d'autoentrepreneur, touche 2 euros par sortie. Mais l'association emploie aussi des bénévoles comme Jacqueline Charles-Louis, ancienne coiffeuse de 75 ans, qui explique : « Tous mes frais sont payés et j'en profite pour découvrir la richesse extraordinaire de la ville où j'ai grandi. » Chez les Greeters (« accueillants » en français), association de 1 500 bénévoles en France, la gratuité est comme une philosophie. « Un Greeter vous accueille comme sa famille ou son ami, donc pas question de parler de tarif. Ni même de pourboire, on peut lui offrir un café mais pas lui glisser une pièce », explique Jonathan Huffstutler, président des Greeters France. Tout un mouvement est né dans les banlieues sensibles – comme à Saint-Denis (93) ou à Marseille, véritable laboratoire de la balade urbaine – autour des chambres d'hôtes et des visites. Ainsi Hôtel du Nord voulait changer H 2019) l'image de repaires de trafiquants des quartiers nord de la cité phocéenne. « Aujourd'hui, notre catalogue comprend une quarantaine de parcours, élaborés avec l'aide des habitants, et nous pouvons aussi en créer sur mesure. Il y a des amateurs parmi nos conférenciers. Ainsi notre balade Migrantour est menée par des immigrés ou des enfants d'immigrés qui retracent l'histoire des Marseillais venus d'ailleurs », détaille Prosper Wanner, gérant de l'association.

Le but est de favoriser les échanges, faire connaître le patrimoine, ouvrir sur l'extérieur.

Décloisonnement

De même à Nantes, Les Hérons ont voulu décloisonner les quartiers populaires du nord de la ville en emmenant les visiteurs explorer les jardins des habitants, les parcs, les cours... « La culture et le tourisme ne sont pas seulement l'affaire de professionnels, les particuliers ont eux aussi des histoires à raconter sur leur quartier et ils peuvent offrir une communauté d'hospitalité », déclare Mathias Mary, directeur de l'association.

Quel que soit l'organisme, l'aspiration est toujours la même : favoriser les échanges, faire connaître le patrimoine, ouvrir sur l'extérieur. Nombre d'accompagnateurs créent des liens avec leurs visiteurs. « Chaque rencontre est unique, déstandardisée, mémorable. D'ailleurs une de nos bénévoles de 72 ans a trouvé l'amour avec un de ses visiteurs et l'a épousé », souligne Jonathan Huffstutler. Un joli bonus qui vaut bien un pourboire !

L'accueil par les habitants est le premier levier de satisfaction cité par les visiteurs internationaux . (SOURCE : TCI RES EARCH 2019)

“Je gagne 150 euros par mois"

À 75 ans, cette fan de thé, de culture asiatique, de botanique et de sa ville, a réussi à combiner toutes ses passions en devenant accompagnatrice pour Marseille Autrement.

France Dimanche : Pourquoi proposez-vous des balades urbaines ?

Sylvie Henrionnet : Je voulais rencontrer d'autres personnes, élargir leurs connaissances. J'ai choisi le thème du thé et celui des plantes en médecine et en cuisine, avec dégustation et sortie dans les parcs. J'aime aussi faire connaître de jeunes artisans ou commerçants, torréfacteur, fromager, restaurateurs, chocolatier, fleuriste. Je suis ravie de l'expérience.

FD : Combien faites-vous de visites en moyenne ?

SH : En général, trois par semaine de deux heures chacune. J'ai un gros travail de préparation pendant une quinzaine de jours, dont les circuits de reconnaissance pour calculer les distances, le temps voulu. Quand je suis en visite, j'ai toujours avec moi mon cahier où sont inscrites toutes les dates dont j'ai besoin.

FD : Quel est votre public ?

SH : En majorité des femmes. Le public est très curieux, prend des notes. Souvent quelqu'un apporte une anecdote. C'est très convivial, je tutoie tout le monde et tout le monde me tutoie.

FD : Combien cela vous rapporte ?

SH : Je gagne environ 150 euros par mois plus les frais, ce qui me permet, malgré ma faible retraite, de gâter mes petits-enfants.

Sylvie Henrionnet, par Béatrix GRÉGOIRE

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