SANTÉ : Agir face au cholestérol

France Dimanche
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Avec les années son taux a tendance à grimper, pourtant cet ennemi silencieux est à prendre très au sérieux.

Dans l’athérosclérose, une plaque de cholestérol se forme, puis s’épaissit jusqu’à obstruer l’artère. Le sang circule alors très difficilement, augmentant le risque d’accident.

Il se cache dans les charcuteries, le beurre, les plats préparés et, petit à petit, il s’accumule dans nos artères. Pour le professeur Philippe Gosse, responsable de l’unité de cardiologie-hypertension artérielle du CHU de Bordeaux, auteur du livre Halte au cholestérol (éd. Marabout), il ne s’agit pas forcément de s’interdire tel ou tel aliment mais de comprendre comment son accumulation met notre organisme en danger.

Pr Philippe Gosse, Responsable de l’unité de cardiologie - hypertension au CHU de Bordeaux.

France Dimanche : Ce cholestérol si décrié est-il utile à notre santé ?

Professeur Philippe Gosse : Oui, parce qu’il sert à fabriquer nos parois cellulaires, une partie de nos hormones et la vitamine D. Le problème n’est pas le cholestérol lui-même, mais sa façon de se promener dans l’organisme avec le sang, grâce à des transporteurs désignés sous le nom de lipoprotéines qui existent sous plusieurs formes. Les plus grosses sont appelées HDL (High Density Lipoproteins) et les plus petites LDL (Low Density Lipoproteins). Le problème avec ces dernières, c’est qu’elles peuvent traverser les parois des artères, s’y accumuler et constituer des dépôts (arthéromes).

FD : Et on ne peut rien faire contre ?

PG : Non, et plus il y en a, plus le risque de boucher les artères augmente, ainsi que celui de subir un infarctus du myocarde ou un AVC. Les molécules de LDL cholestérol ne passent que quand il y a une certaine pression dans le vaisseau, c’est la raison pour laquelle il n’y a pas de dépôts dans les veines, et pourquoi il faut absolument surveiller le couple maléfique : cholestérol et hypertension. Le tabac qui abîme les parois, tout comme le diabète, sont aussi des facteurs de risque. Rappelons que les maladies cardiovasculaires tuent 4 millions d’Européens chaque année.

FD : Existe-t-il un bon cholestérol ?

PG : On a longtemps cru qu’avoir beaucoup de HDL cholestérol avait un effet protecteur. Or, ce n’est pas le cas. Mais celui à surveiller, c’est le LDL ou le non-HDL, la dénomination dépend des laboratoires d’analyses.

Les maladies cardiovasculaires tuent 4 millions d’Européens chaque année.

FD : En quoi notre alimentation joue-t-elle un rôle ?

PG : Une partie du cholestérol est fabriquée par le foie et l’autre vient de ce qu’on mange. À la base, notre alimentation était celle d’un chasseur-cueilleur plus riche en végétaux qu’en viande. Mais elle a évolué et elle apporte un surplus de gras qui se transforme en cholestérol. Plus le temps passe, plus on a de risque de voir son taux monter.

FD : À ce moment-là, faut-il éliminer le gras de notre assiette ?

PG : Non, car je rappelle qu’on en a besoin. Je recommande le régime méditerranéen et une consommation élevée de végétaux. Plus on s’y met tôt, mieux ça vaut. D’autant plus que les mauvaises habitudes alimentaires prises très jeunes se paient à terme.

DÉCHIFFRER SON ANALYSE DE SANG

Le taux idéal de cholestérol total doit être inférieur à 2 g/l s’il est supérieur à 2,20 g/l on parle d’hypercholestérolémie.

Le HDL est normalement compris entre 0,4 et 0,6 g/l

Le LDL (« mauvais » cholestérol) est compris entre 0,9 et 1,6 g/l Idéalement il devrait être inférieur à 1,2 g/l chez tout le monde.

FD : Et le sucre ?

PG : Il est indispensable pour nous fournir de l’énergie, mais notre corps ne sait pas le stocker autrement que sous la forme de triglycérides. Quand on en a trop, le foie grossit jusqu’à provoquer une cirrhose à cause de l’excès de gras. L’activité physique est une piste très intéressante pour faire baisser un taux élevé, car dans l’effort, on brûle du sucre, puis on puise dans les triglycérides. Attention, l’alcool aussi les fait monter.

L’activité physique et l’équilibre alimentaire peuvent faire baisser le cholestérol.

FD : Et quand on a trop de cholestérol LDL ?

PG : L’activité physique et l’équilibre alimentaire peuvent le faire baisser. Mais en fonction des risques cardiovasculaires du patient, s’il a déjà eu un accident cardiaque par exemple, il peut s’avérer nécessaire de donner un médicament.

FD : Est-ce uniquement une question d’âge ?

PG : Non. Par exemple, dans le cas d’une hypercholestérolémie familiale, un problème d’enzymes peut provoquer des accidents cardiaques avant 30 ans. C’est pourquoi quand il y a des antécédents d’accidents cardiovasculaires avant 50 ans, il faut que les enfants et les petitsenfants vérifient leur taux régulièrement.

FD : Que penser des statines ?

PG : Ce sont les médicaments les plus efficaces, mais comme tout médicament, ils peuvent avoir des effets secondaires et provoquer des douleurs musculaires au niveau des cuisses et des fesses. Toutefois les atteintes graves sont exceptionnelles. En cas de doute, on peut faire des analyses pour vérifier. On a d’autres possibilités comme les stérols végétaux, mais ils ne sont pas aussi efficaces.

Des études ont montré un lien entre l’excès de cholestérol et le développement de démences et de la maladie d’Alzheimer.

FD : Et la levure de riz rouge ?

PG : C’est une statine, une moisissure d’origine naturelle, qui s’achète en vente libre. Elle peut être efficace mais comme elle n’est pas classée comme médicament, on ne connaît ni les dosages ni la fabrication et, à l’arrivée, cette automédication coûte cher.

FD : Existe-t-il des traitements innovants ?

PG : Oui, le dernier en date est une injection sous-cutanée, une piqûre que le patient se fait lui-même tous les 15 jours. La baisse est spectaculaire associée à une statine. Mais seuls ceux qui ont déjà subi un accident cardiovasculaire peuvent y recourir, car le traitement, proposé par deux laboratoires, coûte 200 à 300 euros par mois.

FD : Certains chercheurs évoquent un lien entre cholestérol et démence, est-ce avéré ?

PG : Effectivement, pas mal d’études démontrent un lien entre l’excès de cholestérol et le développement de démences et de la maladie d’Alzheimer, surtout s’il y a de l’hypertension associée. Mais les recherches sont compliquées à mener et il faut encore attendre pour l’affirmer. Une raison de plus en tout cas pour miser sur la prévention.

“J’ai changé mes habitudes"

Anne, 63 ans

Il y a quelques années, j’ai appris que mon taux cholestérol était trop haut et que j’avais une plaque calcifiée dans une de mes carotides. Avant de prendre tout médicament, j’ai revu une partie de mon alimentation. Depuis, je ne mange quasiment plus de fromage, ce que je faisais en excès, je limite la mayonnaise et je cuisine beaucoup à l’ail, qui est un fluidifiant naturel. Je marche aussi 5 kilomètres par jour et je travaille sur mon stress, en pratiquant la méditation et le qi gong. Grâce à ces changements, mon taux est stable. »

Julie BOUCHER

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