SANTÉ : Soigner la migraine sans prise de tête !

France Dimanche
-iStock

Si, comme 9 millions de Français, vous subissez ce mal de tête qui s’installe doucement et finit par vous aliter complètement, vous pensez sûrement qu’il n’y a aucun moyen d’éviter les crises. Et pourtant, si. Le docteur Jean-Pierre Chaudot, ancien migraineux, nous dit tout.

Dr Jean-Pierre Chaudot, Médecin spécialiste de la migraine depuis dix-sept ans au centre hospitalier de Pau et auteur de Bye bye migraine ! Une seule solution pour guérir : comprendre, publié aux éditions Dangles.

France Dimanche : Bonne nouvelle, vous donnez l’espoir aux migraineux de développer le pouvoir de faire cesser leurs crises ?

Dr Jean-Pierre Chaudot : Oui, j’en suis la preuve vivante, et les patients qui suivent le programme d’éducation thérapeutique « Maîtriser la migraine », validé par l’agence régionale de santé Nouvelle-Aquitaine, constatent eux aussi des améliorations allant jusqu’à la guérison.

FD : Votre expérience vous a amené à découvrir que les migraines seraient liées à un blocage de notre respiration. Quel en est le mécanisme ?

JPC : Les premières crises surviennent parce qu’on retient notre souffle dans une attente anxieuse. On bloque l’expiration sans s’en rendre compte et on n’élimine pas correctement le gaz carbonique. Finalement, la migraine, c’est comme une intoxication au gaz carbonique liée aux chaudières déréglées, il faut entre 4 heures et 3 jours pour s’en remettre.

FD : Quels sont les facteurs déclencheurs ?

JPC : Ils sont très divers : on peut interrompre sa respiration quand on est concentré ou stressé, qu’une odeur nous gêne, qu’on porte une charge lourde, qu’il fait une chaleur oppressante... Personnellement j’avais associé cinéma et migraine, sûrement depuis le film Duel de Steven Spielberg dont le suspense ininterrompu m’avait coupé le souffle. Là, ce sont des facteurs naturels, mais ensuite, la migraine étant tellement douloureuse, invalidante, handicapante, on va toujours chercher à la rattacher à un facteur déclenchant passé, voire à venir. Dès que l’on sera en présence de ce que l’on a cru reconnaître comme un facteur déclenchant, on va « retenir son souffle » dans l’attente anxieuse de voir la crise survenir.

FD : L’idée est donc d’apprendre à maîtriser le taux de gaz carbonique dans notre corps...

JPC : Oui et on peut le faire baisser grâce à l’hyperventilation, qui consiste à souffler le plus vite, le plus profondément et le plus fort possible pendant un instant. Il faut commencer par le faire au repos, loin de toute crise et comptez le nombre d’expirations nécessaire pour ressentir cette impression de tête qui tourne (3 à 8 généralement). C’est le signe que vous avez éliminé le gaz carbonique du corps, que les échanges sanguins ne sont plus assez acides mais alcalins. C’est important de connaître ce nombre de respirations car il vous sera utile face à la crise.

FD : C’est-à-dire ?

JPC : Dès les premiers symptômes de gêne, mettez-vous à hyperventiler. Si vous dépassez votre nombre d’expirations au repos sans que votre tête tourne, c’est qu’il y a bien un excès de gaz carbonique et que la crise arrive. À ce moment-là, recommencez les hyperventilations par cycle de 5-7 respirations jusqu’à retrouver votre seuil habituel. Boire un Coca ou du café peut aider, car la caféine stimule la respiration.

Comment hyperventiler ?

Pour apprendre, vous pouvez tenir le haut d’une feuille de papier à bout de bras et souffler dans sa direction le plus fort et le plus vite possible en essayant de la faire voler jusqu’à l’horizontal. C’est assez similaire à l’attitude adoptée pour gonfler une bouée. En dehors de la crise, un cycle de 5 à 8 respirations suffit pour évacuer tout le dioxyde de carbone en excès et sentir l’effet « tête qui tourne ». Une vidéo sur la page YouTube de Bye bye migraine ! donne aussi un exemple en image.

ET LES HORMONES, ALORS ?

Le Dr Jean-Pierre Chaudot ne rend pas les hormones responsables de la migraine. Si celle-ci frappe bien certaines femmes deux jours avant leurs règles, pour d’autres, c’est à l’ovulation. La ménopause peut soit intensifier les crises, soit les apaiser, de même que la grossesse. Pour lui, cette diversité de cas infirme leur responsabilité directe.

FD : On arrive vraiment à faire passer des crises grâce à l’hyperventilation ?

JPC : Quand on a compris, on se dit d’abord que ça marche sans doute grâce à un effet placebo, mais l’effet placebo ne fonctionne qu’un temps. Et là, c’est définitif. Il faut bien comprendre que c’est comme avec un incendie : plus on agit tôt, plus il est facile à éteindre. Et à mesure que la douleur augmente, moins on respire, car le moindre mouvement donne l’impression que la tête va exploser. C’est pourquoi il convient d’être à l’écoute de son corps pour anticiper. Il faut apprendre à reconnaître toutes les situations susceptibles de nous faire retenir notre souffle.

FD : Quel rôle attribuer aux médicaments ?

JPC : Si on n’arrive pas à enrayer la crise, parce qu’elle est déjà très avancée, qu’on s’y est pris trop tard, ou qu’on était occupé à ce moment-là, je recommande de prendre de l’aspirine (Aspégic) : 2 g en une prise. À cette dose, privée de son effet anticoagulant, elle devient anti-inflammatoire et a aussi l’avantage d’être un stimulant respiratoire. On peut l’accompagner d’un double expresso ou d’un café filtre, car la caféine va aussi stimuler la ventilation. C’est le cas aussi du Coca-Cola qui contient de l’essence de coca, plante utilisée par les habitants des Andes pour lutter contre le mal des montagnes qui provoque des céphalées du même ordre que la migraine.

FD : Que penser des triptans ?

JPC : On peut en prendre sur prescription médicale en deuxième intention. Si c’est occasionnel, pas de problème, mais au-delà de 5 ou 6 par mois, c’est trop. Ils soulagent, mais ils n’agissent pas sur la respiration. Le temps qu’ils fassent effet, il faut continuer à bien respirer.

FD : Quel est le bon réflexe ?

JPC : Souffler discrètement pendant deux à trois minutes, c’est simplissime et c’est le meilleur comportement pour guérir. Il faut remplacer la soumission et la fatalité par une attitude de guerrier. On peut parfois battre en retraite en prenant des médicaments, mais ça ne permet pas de gagner la guerre. La meilleure arme, la plus simple, la moins douloureuse et la moins chère, c’est l’hyperventilation.

Trouver du soutien

C’est une méthode qui marche ; je suis guérie totalement », écrit Pascale Schweitz sur la page Facebook du livre Bye bye migraine ! Un témoignage rejoint par de nombreux autres, dont ceux de médecins.

Si tout le monde ne peut pas bénéficier du programme d’éducation thérapeutique, cette page permet aussi de poser une question au Dr Jean-Pierre Chaudot et de trouver du soutien, en attendant que la méthode soit davantage connue et pratiquée. www.facebook.com/ byebyemigraine

En vidéo